La médecine de l’arbre

Médecine de l’arbre, médecine des bourgeons.

« La gemmothérapie est la méthode thérapeutique, c’est-à-dire le moyen de soigner, qui utilise des bourgeons frais végétaux et autres tissus à caractère embryonnaire, tels que radicelles, jeunes pousses, écorne interne de racine ou de tiges » Max Tétau

Le terme gemmothérapie provient du latin « gemmae » et qui signifie pierre précieuse (Provenç. et ital. gemma ; du lat. gemma)  et en regardant de plus près le bourgeon, il semblerait qu’il imite le règne minéral pour traverser l’hiver. De vert tendre à sa naissance au cours de l’été, il devient dur comme un roc et dormant jusqu’à son éclosion l’année d’après.

 Le bourgeon d’un ligneux * est précieux comme une pierre. Ses éléments, les minéraux, les vitamines, les hormones de croissance, les éléments-traces sont essentiels à l’équilibre de la Terre, à l’harmonie de la vie dans les organismes.

*arbres & arbustes. Qui fabriquent du bois.

Un peu d’histoire…

Il faut remonter au Moyen-Age pour trouver les premières traces de l’utilisation des bourgeons dans la pratique médicale. A cette époque, ce sont les alchimistes qui détenaient ce précieux savoir. On a retrouvé des textes anciens mentionnant une préparation à usage externe : « l’Unguentum populeum ». Il s’agissait d’une pommade aux bourgeons de peuplier, dont l’usage est encore en vigueur aujourd’hui pour le traitement des hémorroïdes.

Au XIIème siècle, la religieuse Hildegarde de Bingen conseillait déjà l’utilisation de 8 bourgeons d’arbres (cf. Le livre des subtilités des créatures divines). Il s’agissait des bourgeons du bouleau, du cassis, du châtaignier, de l’églantier, du frêne, du peuplier, du pommier et du tilleul.

C’est Johann Wolfgang de Goethe (1749-1832) qui est considéré comme le véritable instigateur de la méthode. Nous parlons bien ici du Goethe qui fut romancier, dramaturge et poète.

Au XIXème siècle, Samuel Hahnemann, médecin et inventeur de l’homéopathie, est aujourd’hui connu en gemmothérapie pour son procédé de dilution des macérât-mères : la dilution Hahnemannienne (DH). Il est intéressant de noter que Hahnemann fut le contemporain de Goethe.

Plus proche de nous, c’est un médecin belge, le Dr Pol Henry (1918-1988) qui a mis au point cette thérapie en s’inspirant des travaux du Dr Paul Niehans (1882-1971), médecin suisse qui fut un des précurseurs de la thérapie cellulaire. Le Dr Pol Henry développe alors l’embryothérapie végétale qui consiste à utiliser des bourgeons et jeunes pousses sous la forme de macérâts mères.

Le terme d’embryothérapie a été abandonné lorsque le Dr Max Tétau, pharmacien et médecin homéopathe, a réellement permis le développement de cette « médecine des bourgeons » en la renommant « gemmothérapie ».

Composition des bourgeons

Les bourgeons et tissus végétaux embryonnaires sont les porteurs de l’ensemble de la future vie du végétal. Ils contiennent toutes les informations pour permettre à la plante de se développer : patrimoine génétique, acides aminés, minéraux, oligo-éléments, facteurs de croissance, hormones et enzymes.
C’est au printemps que nous pourrons observer la renaissance de la nature après l’hiver. On raconte que l’on peut entendre la montée de sève en rapprochant suffisamment son oreille du tronc d’un arbre. C’est donc tout naturellement que la récolte des bourgeons est réalisée à ce moment de l’année. En pratique, la période varie en fonction des espèces et des régions, mais se situe en général entre février et avril.

Gemmothérapie et phytothérapie

Un des usages majeurs de la gemmothérapie en herboristerie consistera à se servir de la capacité des plantes à drainer les émonctoires. Nous savons que l’apparition de nombreux troubles (maladies) est causée par la mauvaise évacuation des déchets de l’organisme. Les plantes, et notamment sous leurs formes gemmothérapiques, présentent un très grand intérêt pour stimuler les fonctions d’élimination de l’organisme. Cette approche sera tout à fait complémentaire à l’usage de la phytothérapie pour réaliser les drainages.

Gémmothérapie et herboristerie

Dans la médecine par les plantes, nous regardons le cheminement de la pathologie et non pas son symptôme, lui! est un indicateur, il ne sera pas celui sur lequel nous allons focaliser notre attention sauf bien sûr dans les cas de crise ou il est entendu qu’il faut calmer les douleurs, calmer la crise inflammatoire… 

Utiliser la gemmothérapie peut constituer une solution de facilité pour le praticien. On sait par exemple que le bourgeon de cassis est un puissant anti-inflammatoire. Un des premiers cas que traita le docteur Tétau fut celui d’un épicier d’une cinquantaine d’année dont le corps était recouvert de psoriasis. La prescription du bourgeon de cassis (Ribes nigrum) et du bourgeon d’orme (Ulmus campestris) permis, en deux mois, de débarrasser le pauvre homme de ses éruptions cutanées.

Il faut rappeler ici que la naturopathie est basée sur le principe de cures. Limiter son conseil à la « prescription » de gemmothérapiques permettra peut-être de soulager le consultant, mais probablement pas de faire disparaître la vraie cause du trouble.

Formes galéniques

Il y a deux formes de préparation des gemmothérapiques. Le macérât-mère et le macérât dilué.

Le macérât-mère également appelé macérât glycériné concentré
« Le macérât est préparé à l’état frais par macération dans de l’eau de source, de l’alcool de fruits ou de grain et de la glycérine végétale de haute qualité (bio et artisanale), obtenant ainsi le «macérât-mère» concentré qui est ensuite filtré.

Cette technique permet de recueillir les vertus et l’énergie vitale des bourgeons. Chaque élément du mélange de macération joue un rôle spécifique : l’eau extrait les sels minéraux, les vitamines, les flavonoïdes… l’alcool extrait les alcaloïdes, les hétérosides… et la glycérine végétale extrait les flavonoïdes, les phénols… ».

Le macérât-mère, parfois également appelé macérât concentré, ne subit aucune dilution, il est directement utilisable.

Le macérât glycériné « dilué » au 1 DH

Les macérâts glycérinés dilués sont des préparations homéopathiques.
 La dilution est réalisée au 1/10ème, première Décimale Hahnemannienne. La 1ère DH est une méthode définie par la Pharmacopée Française au chapitre « Préparations Homéopathiques ». 

Rappel sur les dilutions homéopathiques :1 DH correspondant à une dilution au 1/10ème (une partie de macérât-mère pour 9 parties de solvant), 2 DH correspondant à une dilution de 1/100ème (une partie de 1 DH pour 9 de solvant).

La solution obtenue est ensuite dynamisée après chaque dilution.

Pour ces deux galéniques, macérât-mère et macérât glycériné dilué au 1 DH, la durée de macération est de 3 semaines.

Dénomination

– Lorsqu’elle apparaît sur une ordonnance (de médecin !), la version diluée pourra être prescrite selon les termes suivants :
Ribes nigrum, Bourgeons, Mg, 1DH : 1 flacon de 60 ml, 15 gouttes le matin & 15 gouttes le soir pendant 3 semaines.
– Pour la version macérât-mère (non dilué), le praticien pourra indiquer :
Ribes nigrum, Bourgeons Macérât-mère, 1 flacon de 30 ml, 5 gouttes le matin avant le petit déjeuner pendant 3 mois.

Quel choix ? Macérât-mère ou 1DH ?

Il y a deux courants de pensées.

Le premier est fidèle à la méthode du Docteur Pol HENRY qui consistait à produire un macérât-mère glycériné hydro-alcoolique (glycérine, eau, alcool) utilisable en l’état.

Le second courant est apparu suite aux travaux de Max Tétau qui fut le promoteur de la gemmothérapie clinique. Max Tétau fut également le président de la Société Médicale de biothérapie ainsi que fondateur du Laboratoire de Pharmacologie Homéopathique (LPH), plus connu aujourd’hui sous le nom de laboratoire Dolisos (racheté par Boiron en 2005).

Max Tétau considérait que la 1 DH fut la seule délivrable car elle représentait la forme galénique la plus constante.

Beaucoup de praticiens restent partisans de la méthode originelle, celle du macérat-mère.  Aujourd’hui, quelques laboratoires dont le savoir-faire commence dès la cueillette travaillent avec la plante sauvage et la met en macération juste après la cueillette. Le temps d’oxydation de la plante est nul, et l’évaporation des principes médicinaux volatils est maîtrisée.

Grace à cette pratique développée grâce à un groupe d’ethno-botanistes et de cueilleurs passionnés, la quantité de gouttes à prendre diminue jusqu’à 2 fois 15 gouttes par jour au vu de la qualité du macérat. Donc l’argument de l’ingestion d’une trop grande part d’alcool n’a plus lieu d’être. 

L’utilisation de l’eau dans la recette originale permettait, selon le Dr Pol HENRY, d’extraire la totalité des principes actifs : les dérivés hydrosolubles, les tanins, les sels minéraux, les flavonoïdes hydrosolubles, les vitamines hydrosolubles, certains acides hydrosolubles.

L’alcool, quant à lui, joue un rôle dans l’extraction : des alcaloïdes, des hétérosides, des glycosides.

La glycérine joue un rôle dans l’extraction : des huiles essentielles, des flavonoïdes, Liposolubles, des vitamines liposolubles.

Action des bourgeons 

La gemmothérapie va agir de plusieurs façons :

※par l’apport de principes actifs végétaux « primaires » tels que les gibbérellines, les cytokines et les auxines, hormones de croissance de la famille des phytohormones,

※par la stimulation de la fabrication d’acides aminés et de certaines vitamines,

※par le déclenchement des processus de drainage des émonctoires,

※par la régénération et le rajeunissement des tissus,

※par la relance et la stimulation des glandes : hypophyse, thyroïde, parathyroïdes, surrénales, épiphyse, thymus, pancréas, gonades, hypothalamus.

La première expérimentation clinique du bourgeon de Bouleau (Betula pubescens) a permis d’observer une augmentation de la résistance à l’infection et un accroissement du nombre de leucocytes.

Les cibles privilégiées des gemmothérapiques seront :

※les émonctoires : foie, intestins, reins, peau, poumons, utérus/vagin,

※le système nerveux : système nerveux central, autonome (sympathique, parasympathique), somatique,

※le système glandulaire.

Types de macérats-mères commercialisés
Extraits unitaires :

Ce sont des macérats qui contiennent l’ensemble des propriétés du végétal. Ils sont utilisés pour des applications thérapeutiques précises.

Les mélanges d’extraits unitaires sont possibles. En pratique, lors de la prise, vous pouvez mélanger un gemmothérapique de Cassis avec un autre de Tilleul. Cependant, le praticien pourra conseiller une prise séparée à différents moments de la journée.

Les complexes :

Ils représentent une des nouvelles directions de la gemmothérapie. Historiquement, les extraits n’étaient jamais mélangés dans les flacons pour éviter des interactions pouvant altérer les propriétés thérapeutiques. Il faut donc penser que cette restriction a été levée par de nouvelles techniques. Les complexes peuvent comprendre différents extraits de macérât-mère mais également inclure d’autres parties de l’arbre, de la plante.

Posologies et mode d’emploi des extraits gemmothérapiques

La posologie est variable en fonction de la galénique, des effets recherchés et du terrain du consultant. Les quantités proposées ci-dessous le sont à titre indicatif. Prenez toujours conseil auprès de votre thérapeute et en aucun ne doit remplacer un traitement prescrit par votre médecin.

Durée de la cure

En général, les cures varient de 1 à 3 mois incluant un arrêt d’une semaine toutes les 3 semaines (voir votre médecin ou votre thérapeute).
Il n’y a pas de risque d’accoutumance, mais on choisira de laisser l’organisme se reposer régulièrement. Ce qui porte, en pratique, la 1ère cure à 3 semaines.

Pour une cure de 3 mois, le cycle suivant pourra être suivi :

※1ère prise pendant 3 semaines

※1 semaine d’arrêt

※2ème prise pendant 3 semaines

※1 semaine d’arrêt

※dernière prise pendant 3 semaines.

Posologie générale

Pour les 1DH :

※posologie « d’attaque »: 30 gouttes par jour, ( si les plantes sont sauvages, transformées à la main et dans les 2h suivant le cueillette.

※posologie soutien du terrain, 15 gouttes par jour.

Pour l’utilisation des macérats dilués chez l’enfant de moins de 12 ans en raison de la présence d’alcool, il convient de le laisser s’évaporer soit en versant un peu d’eau chaude sur les quelques gouttes administrées, soit en laissant reposer la préparation toute une nuit. On peut proposer la même méthode pour la femme enceinte, les personnes souffrant d’une maladie de foie, les anciens alcooliques (ou en cours de sevrage) et les personnes épileptiques.

Pour les macérâts-mères :

※posologie de soutien du terrain : 2-3 gouttes, 2 ou 3 fois par jour

※posologie « d’attaque », en cas de crise : 7 à 10 gouttes, 3 fois par jour

Note supplémentaire: Il est important de connaître l’origine des macérats, la méthode de cueillette, de transformation (stockage dans du verre ou plastique) La posologie dépendra de la qualité du macérat. Celles-ci ne sont données qu’à titre indicatif et ne peuvent donner lieu à une normalisation des pratiques. 

Il est également recommandé de modifier la posologie pour les enfants et les femmes enceintes (toujours pour le macérât-mère) :

※enfants : 1 goutte par année d’âge

  • à partir de 3 ans, 1-3 gouttes par jour
  • à partir de 5 ans, 3-5 gouttes par jour
  • à partir de 7 ans, 8 à 10 gouttes par jour ensuite, à partir de la puberté, l’adolescent est considéré comme un adulte.

Enfin, on conseille d’utiliser un maximum de 3 gemmothérapiques en même temps. Vous pouvez les prendre dans le même verre d’eau ou à des moments séparés de la journée.

Mode d’emploi

Vous avez deux façons d’utiliser les gemmothérapiques :

※purs : sur la langue, en gardant l’extrait en bouche pendant quelques secondes. 

※dilués dans un verre d’eau. C’est la façon la plus simple qui convient à tout le monde et notamment aux enfants. 

Il existe aujourd’hui des gemmothérapiques sans alcool et souvent la méthode d’extraction est industrielle. L’utilisation de l’alcool comme solvant pour extraire les principes actifs fait partie de la méthode originale du Dr Pol HENRY. 

La prise est de préférence réalisée avant ou entre les repas.

Par exemple :

  • avant un repas (au moins 15 min)
  • milieu de matinée ou d’après-midi
  • coucher.

Espacer les prises de 2 heures.

Contre-indications et effets indésirables

Il n’existe pas de contre-indication connue à l’emploi des gemmothérapiques 1DH. Il n’existe pas non plus d’interactions négatives avec les traitements allopathiques.

Cependant, comme toute substance en mesure de produire un effet sur l’organisme, certaines règles peuvent être appliquées par simple principe de précaution :

※pas d’utilisation chez les anciens alcooliques ou en cours de sevrage,

※ne pas donner de gemmothérapiques ayant une action hormonale (hormone-like), tels que : Vaccinium vitis idaea (airelle), Rubus idaeus (framboisier), Sequoia gigantea (séquoia), Quercus pedunculata (chêne), aux femmes enceintes ou à celles ayant des antécédents de cancer hormono-dépendant,

※une attention particulière doit être portée à la prise de gemmothérapiques pour les personnes prenant des anti-coagulants ou des médicaments pour le cœur. Dans ce cas, il faut bien sur consulter son médecin, et également faire attention à la composition de certains produits en « complexes ».

Par ailleurs, comme pour tout produit alimentaire, des réactions ponctuelles peuvent intervenir : avance de règles, migraine, allergie (rare). Ces phénomènes ne constituent pas la réponse à une intoxication avérée, mais plutôt à une réaction physiologique excessive. Avec les macérats dilués, ces réactions exacerbées sont peu fréquentes. 

Usages en naturopathie

Rappel du principe de cure :

L’herboristerie, médecine par les plantes, n’est pas une médecine nouvelle. Elle puise ses racines dans l’antiquité et continue à appliquer les 5 principes d’Hippocrate :

※« primum non nocere » : « en premier lieu ne pas nuire »,

※« vis medicatrix naturae » : « le pouvoir de guérison de la nature », la nature est guérisseuse,

※« tolle causam » : « supprimer la cause », identifier et traiter la cause,

※« deinde purgare » : « ensuite, purger », aujourd’hui: détoxifier et purifier l’organisme,

※« docere » : « enseigner », c’est-à-dire transmettre ses connaissances.

Le praticien envisage l’individu dans sa globalité, on parle d’approche holistique. Son travail consiste, par un questionnement à trouver le cheminement de la pathologie, la cause de son déplacement dans l’organisme. 

Le protocole suivi met en place trois cures dont le principal objectif est de rétablir les fonctions d’auto-guérison de la personne.

Un des aspects intéressant de la gemmologie, c’est son utilisation possible pour chacune de ces trois cures. Des bourgeons comme le Tilleul (Tilia tomentosa) et le Figuier (Ficus carica) permettent de travailler sur le long terme pour rééquilibrer le terrain.

En cure 1, également appelée « Phase préparatoire », la gemmologie permettra de relancer les processus d’auto-guérison et de stabiliser les troubles psycho-émotionnels.

En cure 2, « Phase de désincrustation tissulaire », les bourgeons vont permettre de relancer et soutenir le processus de nettoyage, en complément de la phytologie.

En cure 3, « Phase d’harmonisation » la gemmologie stimulera le pouvoir de régénération des tissus et continuera d’accompagner la stabilisation psycho-émotionnelle. Elle permettra également de reminéraliser l’organisme.

Sources :

TETAU Max – SCIMECA Daniel. « Rajeunir nos tissus avec les bourgeons ». Editions Guy TREDANIEL EDITEUR, 2011
ANDRIANNE Philippe. « La gemmothérapie, Editions AMYRIS, 2004
HENRY Jean-Yves. La gemmotherapie – medecine-integree.com
VIRIOT Anne-Claire. Thèse pour le diplôme d’état de docteur en pharmacie « Un point sur la gemmothérapie en 2012 », 2015. Le site Naturosympathie.

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